Aujourd’hui, nous sommes le 10 décembre, la journée internationale des droits humains. L’occasion idéale pour vous présenter le travail que nous faisons au sein de La Voix des Femmes avec notre public.
La thématique des droits humains est la base à partir de laquelle découleront toutes nos animations en éducation permanente. Il est donc important de bien asseoir ce sujet avec nos participant.e.s, car il constitue la base du travail fait ensuite sur les droits des femmes, les droits sexuels et reproductifs, les inégalités de genre, les violences envers les femmes et les discriminations. Tâchons dans cet article de présenter notre méthodologie ainsi que les différentes étapes qui ont amené un groupe de 15 participant.e.s à une réflexion sur les droits humains.
Le choix de la méthodologie est bien entendu déterminant dans le déroulé de l’animation. Cette méthodologie est double. D’un côté, il s’agit d’allier participation et interactivité afin de favoriser l’appropriation du contenu que veut faire passer l’animateur.trice. Par conséquent, il est primordial de partir à chaque fois du vécu des participant.e.s. Et en matière de droits humains, celui-ci est très riche. Si certain.e.s sont en Belgique, c’est parce que leurs droits n’ont pas été respectés dans leurs pays d’origine. Tantôt parce qu’ils/elles sont victimes d’un mariage forcé ou de violences intrafamiliales, tantôt parce que leur orientation sexuelle n’a pas été respectée, tantôt parce qu’ils/elles font partie d’une minorité religieuse discriminée, tantôt parce qu’ils/elles se sont opposé.e.s à leurs gouvernements. Les exemples sont nombreux, et ce sont ceux-ci qui nourriront les débats. D’un autre côté, il s’agit de recourir à des modes d’expression diversifiés et des outils pédagogiques variés (ici les mots-étiquettes, le photo-langage et la production créative) afin de stimuler leurs souvenirs, approfondir leurs témoignages et les partager.
Au-delà de cette méthodologie, l’animateur.trice doit surmonter les problèmes liés à la langue (par exemple en les aidant à mettre des mots sur leurs ressentis et leurs expériences) et s’assurer de la bonne compréhension des concepts ne faisant pas partie du vocabulaire francophone des participant.e.s.
Pour la première partie de l’animation, l’animateur.trice rappelle 4 concepts-clés, à savoir ceux de droits, de devoirs, de liberté et de dignité. Les participant.e.s se sont exprimés sur ces 4 concepts tout en les illustrant. De même, à travers les exemples qu’ils/elles donnent, les participant.e.s travaillent sur la relation entre droits et devoirs. Ainsi par exemple le droit de vivre dans un pays et de bénéficier de certains services ne peut se concevoir sans le devoir de payer ses impôts, le droit de prendre les transports en commun en période de Covid-19 implique le devoir de porter correctement le masque, etc. La liberté quant à elle, se définit à travers ses limites (oui à la liberté d’expression, non à l’appel à la haine). La dignité, enfin, est perçue comme pouvoir vivre avec un minimum de décence qui confère aux gens un certain bien-être et le sentiment de se sentir respectés dans leur humanité. Plusieurs participant.e.s réfugié.e.s de pays en guerre peuvent témoigner de la dignité qu’ils réclament en demandant l’asile à la Belgique.
Par la suite, nous travaillons sur la base d’un photo-langage et des mots-étiquettes. L’animateur.trice donne une série d’images représentant des droits humains (le droit de manifester, le droit d’aller à l’école, le droit de choisir son partenaire, le droit de croire en une religion ou non, etc.). A côté de ces images, l’animateur.trice donne également sur une série d’étiquettes les articles principaux de la Déclaration Universelle des Droits Humains. Par petits groupes, les participant.e.s sont invité.e.s à associer chaque étiquette à son image correspondante. Un tour de table permet de s’assurer que chaque illustration est bien associée à son article et que chaque participant.e a bien compris le droit illustré.
À ce stade, l’animateur.trice peut expliquer plus en profondeur ce qu’est la Déclaration Universelle des Droits Humains, son origine en 1948 suite à la deuxième guerre mondiale et les crimes commis au nom du nazisme, ses auteurs au sein de l’ONU, la manière dont elle a été rédigée en fonction des sensibilités des pays du monde entier et quels pays l’ont ratifiée. L’accent est mis sur l’interdépendance de ces droits et leur universalité.
Dans une troisième étape, les participant.e.s sont invité.e.s à raconter dans un témoignage un moment de leur vie où un de ces droits a été bafoué. Cet exercice est facilité à travers la présentation d’images et de symboles ainsi que des explications données par l’animateur.trice juste avant. Il est important ici que l’animateur.trice tienne un rôle bienveillant et veille au respect au sein du groupe. Parfois les témoignages sont durs. Certain.e.s participant.e.s peuvent se remémorer des événements difficiles et il est important de ne pas brusquer les récits. Sans aucun doute, les participant.e.s se livreront davantage entouré.e.s de personnes connues et dans un cadre rassurant.
Cette double approche, celle du général à l’individuel, et celle de l’individuel aux autres témoignages du groupe, permet à chaque participant.e de se décentrer et d’amorcer un travail de réflexion collectif. Cette troisième étape permet de faire évoluer les histoires des un.e.s par rapport aux autres. C’est le principe du « désapprendre pour réapprendre ». Ils/elles effectuent un travail de remise en question des certitudes et habitudes mentales inhérentes aux traditions socioculturelles. Ils/elles s’approprient les nouvelles informations, et tentent de les transposer dans leur vie quotidienne et environnement social ; ils comparent, critiquent, échangent et discutent. L’animateur.trice les accompagne dans ce cheminement pour une prise de conscience de leurs capacités en tant qu’acteur.trice dans la société.
La dernière étape est celle de la revendication collective : Il est important de demander au public de réfléchir aux moyens d’actions et aux revendications qu’il veut porter qui peuvent être illustrées pour les amener dans l’espace public. Nos participant.e.s ont donc réalisé une pancarte (au format A3) où chacun.e a écrit son témoignage en quelques lignes, l’a lié à un article de la DUDH, tout en l’illustrant avec des collages et/ou des dessins. Ces témoignages sont exposés dans les locaux afin de les partager avec les visiteurs ou les autres participant.e.s aux activités de La Voix des Femmes. Nous vous invitons à juger par vous-mêmes à travers les quelques exemples présents dans cet article.